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2 avril 2020

La crise de 2020, une voie à suivre : comment les centres financiers peuvent-ils aider ?

Edouard-Francois de Lencquesaing
Honorary Chairman EIFR
Tout le monde prédisait qu'une nouvelle crise allait survenir par surprise. Ce fut le cas !

La crise de 2020, une voie à suivre.  Tout le monde prévoyait que la prochaine crise serait une surprise. C'est ce qui s'est passé ! Mais la plupart des prévisions concernaient des causes structurelles ou des bulles. Cette fois-ci, c'est très différent : un arrêt brutal de nos économies l'une après l'autre sans origines structurelles.

Cela signifie que les conditions ou les scénarios de redémarrage seront très différents de ceux de la crise précédente, 1929 ou 2008/11. Il s'agit plutôt d'une sorte de processus de reconstruction d'après-guerre, mais sans destructions. Deux enjeux majeurs : Premièrement, gérer la parenthèse économique et minimiser les défaillances en remplaçant les revenus gelés des entreprises par des liquidités publiques intermédiées par les banques, deuxièmement, tirer parti de ce terrible temps de gestion de la crise mondiale pour approfondir notre fragilité sociétale et les défis qui préexistaient à la crise mais qui ont été reportés au profit de priorités économiques et politiques à court terme.

Les centres financiers, avec leurs composantes multidisciplinaires, sont l'un des "outils" appropriés pour relever ces défis. La phase de reconstruction est urgente et a déjà commencé. La première leçon est que nous sommes "dans le même" bateau, cela signifie que pour maximiser les chances de gagner cette guerre, nous devons partager et travailler ensemble. C'est l'essence même de la WAIFC.

 

La question de la reconstruction.  Certains optimistes de McKinsey supposent un rétablissement complet d'ici le premier trimestre 2021, mais modulo l'ampleur du choc américain. De toute évidence, la question est d'éviter l'effondrement des salariés, des PME, des entreprises, des systèmes financiers utilisant des liquidités massives pour obtenir l'équivalent de 20/30 % du PIB (aujourd'hui, les États-Unis et l'Europe ont mobilisé environ 6 000 milliards d'euros).

Mais les remèdes et les liquidités ne sont pas seulement de l'argent public. Nous devons évaluer les autres "munitions" qui devraient être mobilisées et adaptées à un scénario de redémarrage défini et analysé selon un processus ascendant, à partir des besoins de distribution et de production : il s'agira d'un mélange de ressources humaines (gestion de l'après-crise), de processus, d'instruments financiers (capital, crédit, ...) et d'une réglementation adaptée. 

Les centres financiers devraient contribuer à une meilleure identification et articulation entre les besoins et les ressources pour participer à l'élaboration d'une véritable stratégie. Comme cela a été le cas après la seconde guerre mondiale à travers le plan Marshall ; en ce qui concerne la réglementation (y compris la norme comptable/IFRS), le premier besoin immédiat est de déconnecter les règles provisoires ou prudentielles du statu quo de cette période inhabituelle de gel de l'économie. L'objectif est de s'assurer que ces règles ne tueront pas les institutions entre-temps avant les périodes de redémarrage. L'IASB vient de prendre de telles initiatives et, en Europe, l’ESMA et l'ABE ont déjà commencé à formuler de telles recommandations.

Par ailleurs, l'une des principales leçons de la crise précédente est le manque de coordination. Cette crise actuelle montre une fois de plus à quel point nous sommes interconnectés et la tentation de retourner à l'isolement est tout simplement irréelle. Au contraire, une coordination majeure sur la macro-gestion des liquidités, la réglementation, la relance des politiques industrielles nécessitera une coordination au niveau de l'ampleur, des priorités, des secteurs et du calendrier. La dimension internationale de notre alliance place les centres financiers dans une position idéale pour apporter la contribution appropriée.

Pour illustrer les initiatives nationales, quelques exemples français : La place financière de Paris s'est engagée à soutenir les entreprises, en particulier les PME et à préparer la sortie de crise.

  • Suite à l'annonce faite par le Président de la République française le 16 mars 2020, la Fédération bancaire française (FBF), en collaboration avec Bpifrance, a lancé une initiative sans précédent permettant à l'Etat de garantir un an des prêts de 300 milliards d'euros à remboursement pluriannuel.
  • L'Association Française de la Gestion Financière (AFG), a appelé ses membres à suspendre la perception des loyers et charges à partir du 1er avril 2020. Ces mesures s'appliqueront automatiquement aux PME dont l'activité a été interrompue.
  • La Fédération Française de l’Assurance (FFA) et ses membres se sont engagés à conserver en garantie les contrats des entreprises en difficulté en cas de retard de paiement, pendant toute la durée de la période d'endiguement.
  • La Banque de France aide les entreprises en les orientant vers les dispositifs mis en place par le gouvernement.
  • France Invest a mis l'accent sur trois priorités : la protection des salariés, la solidarité avec la population (un kit d'information pratique est disponible), l'adoption d'une attitude responsable envers toutes les parties prenantes (salariés, entreprises investies, investisseurs, pouvoirs publics).
  • Les syndicats et les représentants des entreprises se sont réunis pour affirmer le rôle essentiel du dialogue social et de la négociation collective et appellent les pouvoirs publics et les entreprises à mettre en œuvre tous les moyens nécessaires pour protéger la santé et la sécurité des salariés.
  • L'Autorité des Marchés Financiers (française) se concentre sur la continuité des activités.
  • Le ministère d'État chargé du secteur numérique, le Secrétariat général à l'investissement et Bpifrance s'associent pour soutenir spécifiquement les jeunes entreprises françaises à travers un plan d'aide d'urgence pour financer les passerelles entre deux levées de fonds, des prêts garantis par l'État pouvant aller jusqu'au double de la masse salariale de 2019, le remboursement accéléré par l'État des crédits d'impôt sur les sociétés remboursables en 2020.

Tirer les leçons.  La crise exacerbe les grands enjeux stratégiques existants. La mondialisation a donné de bons résultats en diminuant la pauvreté dans le monde et en augmentant la croissance mondiale. Mais en même temps, elle crée des tensions majeures, notamment des taux négatifs qui ont fragilisé le secteur financier. Il sera alors encore plus crucial aujourd'hui d'avoir une meilleure vision stratégique à long terme sur l'économie mondiale, le contrôle de la chaîne de production, la souveraineté sur les principaux maillons de la chaine de production, la redéfinition du "commerce équitable" de manière non protectionniste.

D'autant plus qu'en matière de finance, avec le soutien des centres financiers, il sera nécessaire d'avoir une meilleure vision stratégique du lien entre le financement du risque entrepreneurial et la gestion du risque des investisseurs et par conséquent de la mission/format de l'industrie financière (banques, assurances, gestion d'actifs) au niveau mondial (CSF) et régional (Europe) sur la base d'un cadre réglementaire cohérent et "responsable".

Deux priorités majeures seront de savoir comment faire face à la 4ème révolution industrielle (apprentissage machine et IA) : son impact sur l'emploi et les nouvelles expertises, la restructuration financière et la concurrence, et bien sûr les questions environnementales dont, maintenant, la santé en se concentrant sur le processus de transition du "brun au vert".

Ici aussi, l'industrie financière a un rôle clé à jouer et, comme le défi est multidimensionnel, la WAIFC devrait à nouveau jouer un rôle déterminant pour optimiser son succès.

 


Par Edouard-Francois de Lencquesaing, Président honoraire de l'EIFR, et Arnaud de Bresson, président de la WAIFC et Directeur général de Paris EUROPLACE

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